L’importance du mortier dans la conservation du patrimoine bâti
Olivier Toupin, M.Sc.A.
Maçon conservateur
La maçonnerie est un mode de construction extrêmement ancien, remontant à au moins 6000 ans avant notre ère. Son principe est fort simple, il s’agit de lier des éléments de pierre ou d’argile à l’aide de mortier…
Le mortier traditionnel est composé de chaux (le liant) et de sable (l’agrégat). Pour que la réaction chimique se fasse, on y ajoute un réactif : l’eau. L’usage de la chaux permet au mur de maçonnerie de s’adapter au mouvement du bâtiment lorsqu’il travaille. Son aspect malléable prévient la formation de fissures à long terme. C’est grâce à cette recette que nous pouvons aujourd’hui admirer des monuments architecturaux du passé.
C’est au milieu du XIXe siècle que le ciment est inventé en Angleterre. Ce nouveau liant possède des propriétés beaucoup plus rigides. C’est à ce produit que l’on doit l’apparition du béton. Vers le début des années 1900, il entre dans la fabrication du mortier, annonçant l’ère moderne de la maçonnerie.
L’usage du ciment, ou du mortier moderne, est toutefois incompatible avec les mortiers traditionnels. Bien que le mortier moderne permette de monter de hauts murs de brique rapidement, il n’est pas recommandé pour refaire les joints sur un bâtiment historique. Alors que le mur massif de maçonnerie traditionnel doit respirer et bouger, l’application du produit cimentaire sur celui-ci vient sceller l’humidité et l’immobiliser, entraînant sa détérioration accélérée. Ce fait, longtemps ignoré, a malheureusement nuit à la qualité de la conservation des bâtiments patrimoniaux et même parfois mené à leur perte.
La mauvaise utilisation du ciment pour une restauration patrimoniale peut, en bout de ligne, nécessiter de refaire entièrement les travaux. Le choix d’un produit adapté est essentiel pour assurer une structure saine et la longévité de la restauration.