Les fabuleuses consoles de balcon de Montréal
Dans plusieurs quartiers de Montréal, elles font tellement partie du décor urbain, sont tellement omniprésentes, qu’on ne les remarque plus. Si on a beaucoup écrit sur ces extravagants escaliers, de même que sur les corniches et les couronnements de leur architecture résidentielle populaire, personne ne s’est attardé à répertorier, à valoriser les tout aussi extravagantes et pittoresques consoles de balcon de Montréal.
Il s’agit pourtant là d’une composante remarquable et caractéristique de plusieurs rues, ainsi qu’une manifestation exceptionnelle d’un art populaire, modeste mais appliqué, soigné et attrayant.
Dans tous les grands styles d’architectures, les consoles ont reçu une attention particulière, sont généralement élaborées, sculptées d’ornements divers : personnages, animaux stylisés, motifs végétaux ou autres. Dans la construction résidentielle, au tournant des 19e et 20 siècles, les consoles ornementées de Montréal constituent un bel et précieux exemple d’adaptation de cet élément, de cet accent visuel à un habitat populaire, à une architecture sans architecte. On retrouve ces ouvrages de menuiserie sur des résidences cossues, dans les beaux quartiers de Montréal, mais cet élément de construction est largement plus répandu et caractéristique dans les quartiers populaires, sur les façades des duplex et des triplex en bandes, dont les escaliers extérieurs commanderaient forcément des balcons.
Ces composantes fonctionnelles, devenues ornementales, sont par ailleurs infiniment diversifiées, souvent très élaborées, et généralement harmonieuses, bien que parfois naïves, voire merveilleusement décadentes. Mais elles demeurent toujours parfaitement adaptées à la fonction et à la composition des façades où elles se retrouvent.
Face à la diversité des modèles, il apparait que ces assemblages n’étaient généralement pas produits par de grandes entreprises, mais étaient laissés à l’initiative de l’artisan ou d’un petit atelier de quartier. Enfin, on peut facilement constater que cet accent visuel avait un but secondaire : témoigner de la fierté du propriétaire, du constructeur, du menuisier.
Il est heureux de voir que beaucoup de propriétaires prennent la peine de restaurer ce précieux patrimoine, de l’entretenir. On constate même que nombreux sont ceux qui le mettent en valeur par un choix judicieux de couleur, parfois une polychromie pouvant aller d’une digne retenue à une exubérante intrusion dans l’art naïf.
Si beaucoup de consoles ont été préservées, parfois reconstruites à l’identique lorsque c’était nécessaire, on doit déplorer que de très nombreux balcons ont perdu tout leur charme, leurs supports d’origine ayant été remplacés par de grossières équerres en acier. Bien mauvais calcul, puisque l’on constate aujourd’hui que les résidences des quartiers populaires qui ont conservé intégralement leur caractère originel sont maintenant très valorisées, recherchées, et ont acquis une plus-value. À l’opposé, sont grandement dévaluées celles où, pour simplifier, on a remplacé les couronnements et les corniches par un déclin de vinyle, les balustrades en fer ornemental par de piteuses rambardes préfabriquées en aluminium, voire en vinyle, et les riches consoles par d’indigents supports en cornières d’acier industrielles.
On peut également déplorer qu’un grand nombre de ces précieux ornements soient en très mauvais état, en grand manque d’entretien et deviennent bientôt, en partie, une espèce en voie d’extinction.
Enfin, si on peut retrouver des consoles ornementales dans d’autres villes et villages du Québec, ou ailleurs dans le monde, elles ne sont jamais aussi omniprésentes, aussi remarquables qu’à Montréal.
Bonne balade dans les quartiers de Montréal, enrichis de cet art populaire, de cet autre art de la rue. Bonne découvertes et, éventuellement, bon safari photo.
Pour plus de consoles, voir : https://www.pinterest.ca/legresleyr/montr%C3%A9al/