Dentelle de bois, que j’aime ta parure
FRANÇOIS VARIN
Parmi les nombreux détails de construction que le bois permet de réaliser, la dentelle est un morceau de choix. Elle rehausse avec classe la beauté d’un bâtiment et se lit comme la signature du bâtisseur.
Grâce à sa grande diversité d’essences, de textures et de densités, le bois permet de concevoir des ouvrages aux contours élaborés et aux profils variés. Au fil des époques, ce matériau, transformé en éléments de décor et de modénature, a joué un rôle important dans la définition du caractère stylistique des bâtiments.
De tout temps, le bois a servi à l’ornementation et au décor des toitures, des encadrements, des galeries et des structures en porte-à-faux, marquant ainsi les transitions et les points de rencontre entre différentes composantes.
Que ce soit aux époques grecque, romaine, gothique ou victorienne, le bois était essentiel dans la conception d’un bâtiment, alors que la décoration, considérée comme enviable, traduisait les aspirations des propriétaires. Entre les années 1840 et 1900, c’était le matériau de construction le plus populaire en Amérique. Jusque dans les années 1940, on l’a abondamment employé pour le traitement décoratif du dernier étage, des rives des toitures et des pignons, comme en témoignent, par exemple, plusieurs bâtiments de la fin du 19e siècle dans la région de Rivière-du-Loup.
Plusieurs reproductions de catalogues datant du tournant du 20e siècle contiennent des illustrations de différents modèles d’ornements de bois élaborés pour les pignons, comme frises décoratives ou couronnements de faîtage. Ces ornements étaient vendus à l’unité, à cette époque où l’industrie de la construction offrait différents produits et matériaux à prix modique.
Ces catalogues témoignent ainsi des multiples usages de la dentelle de bois : épis de faîtage, crêtes décoratives, bordures de rives des toitures, barrotins de garde-corps, ornementation des éléments en porte-à-faux ou en projection (porches, galeries, vérandas, logettes et oriels), couronnement des lucarnes et des ouvertures, ornementations particulières telles que les lambrequins, les retours de corniches, les consoles et les corbeaux, etc.
Racontant l’histoire de nos villes et villages, les photos anciennes montrent aussi à quel point certaines constructions, surtout résidentielles, arboraient fièrement cette dentelle de bois dont la facture et les dimensions dépendaient de sa fonction, de son emplacement sur la maison et de la nature de sa conception.
Jeux de formes
Pour fabriquer la dentelle de bois, on utilise des pièces de bois d’épaisseur suffisante qui sont sciées, puis découpées ou tournées. Pour obtenir des pièces plus épaisses, on colle des morceaux de bois avant de découper les formes voulues.
Les motifs de la dentelle s’inspirent soit de différents patrons géométriques (l’ovale, le cercle, la croix, le pique, le coeur, la roue, la demi-roue de chariot…), soit d’éléments naturels tels les glaçons, les fuseaux, les feuilles, les flocons de neige, les rayons de soleil, le trèfle, l’étoile, la lune, la quenouille, le roseau, etc.
Ainsi l’aisselier, à la jonction du poteau et du toit de la galerie qu’il supporte, reproduit souvent une volute ou des courbes inspirées des coquillages. Le lambrequin, installé à l’horizontale sous la toiture de la galerie, est constitué de la répétition d’un même motif, par exemple une succession de fuseaux ou de potelets. Les barrotins découpés de certains garde-corps créent parfois des motifs particuliers lorsqu’ils sont assemblés les uns à la suite des autres.
Ces divers éléments témoignent du talent de nos bâtisseurs, portent leur signature. Non seulement ils constituent la marque distinctive d’un bâtiment, définissant son style et sa personnalité, mais leur conservation et leur mise en valeur participent à la qualité d’ensemble d’un bâtiment.
Comment restaurer
Les intempéries affectent peu la dentelle de bois, la plupart du temps installée dans le haut des éléments d’architecture. Lambrequins et aisseliers sont protégés par le toit de la galerie, alors que la dentelle de rive ou de pignon l’est par le toit principal. Il ne faut donc pas craindre d’utiliser du bois, que ce soit du pin, de l’épinette ou du cèdre, puisque l’emplacement de ce décor lui permet de traverser l’épreuve du temps et rend son entretien facile, pour peu qu’on fasse annuellement le tour de la propriété afin de détecter les altérations.
Une inspection effectuée à la fin du printemps révélera les sections ou les parties détériorées qui nécessitent un entretien, une réparation ou un remplacement. Une pièce défectueuse pourra être réparée, sinon reproduite aisément à l’aide d’un gabarit qui permettra d’en retracer la forme et le profil sur une nouvelle pièce de bois, qui sera ensuite découpée ou tournée. Évidemment, il est fortement recommandé d’utiliser la même essence que celle de l’élément original. La pièce sera ensuite poncée et assemblée. Une couche d’apprêt et deux couches de peinture ou de teinture opaque assureront l’unité de l’ensemble.
Pour une section manquante, comme dans le cas d’une frise de rive de toiture, on mesure l’espace laissé libre. Puis, on trace sur un carton épais le profil d’une section adjacente qui correspond à la portion manquante. On transpose ce profil sur un morceau de bois de même épaisseur et de même longueur que la section à remplacer. On découpe à la scie sauteuse ou à la scie à chantourner le profil tracé. On ponce la nouvelle section, on la protège (apprêt, puis peinture ou teinture) et on la fixe à l’aide de vis dont on colmatera les trous pour assurer une régularité de surface.
Inspecter annuellement l’état d’un bâtiment permet de repérer les dégradations et de les corriger facilement, avant qu’un trouble mineur ne s’aggrave et nécessite des interventions plus difficiles… et plus coûteuses. La préservation de la valeur esthétique du bâtiment et l’augmentation de sa valeur immobilière compensent largement les efforts que nécessite ce suivi périodique.
François Varin est architecte.
Collaboration du magazine Continuité.